Follow The Flow / Article refusé par NUKE.
Face à moi une amie désemparée, “I must go home”. C’est ce qu’elle n’arrête pas de scander, à croire qu’elle cherche quelqu’un pour lui dire “come on stay with us”. Ce qui ne manque pas d’arriver au bout de quelques minutes. Nous savons pertinemment qu’elle n’a rien à faire chez elle, du moins rien qui ne puisse attendre demain. L’assemblée est composée de 6 personnes, et nous voilà tous penchés sur cette notion essentielle qu’est le flow. Nous trouvons, en bons juges de comptoir, qu’elle manque cruellement de cette capacité à rentrer dans la follow zo flow du flowzopher. Réceptive, elle décide de rester. Elle se détend, un temps, visiblement.
Dix minutes passent, je la regarde, elle est angoissée, comme si quelque chose, déjà ou depuis longtemps déjà la retenait ailleurs. Je lui tend la main pour sentir son niveau d’anxiété et constate que la douce est froide comme des pieds en automne. Elle est hyper tendue. Incapable de se laisser aller dans les plis de sa jupe. “L’essence du follow zo flow, c’est le laisser aller, le zen. Tu es maître de toi et tu te laisses aller, tu te fais confiance quoi !”, je lui dis. J’enchaine sur les vertus du double H pour Heureux Hasard, et sur le triple et quadruple M, Magical Musical Moment, et Mystical Magical Musical Moment, elle me répond qu’en ce moment, elle n’a pas de chance. “De la chance !” sort de moi. “Tu vis et travailles à Londres, tu manges, tu bois, tu te drogues, et tu viens me parler de chance…ai confiance en toi et tout devrait bien se passer…”
Elle fais mine de comprendre et me certifie que de toutes façons, elle n’attend rien de cette nuit noire et obscure. Que ce n’est pas un double H, un triple ou un quadruple M, qui vont changer sa vie. Dure la pierre, dure la vie, putain de camion… je lui fais faux bon et m’en retourne à mes occupations, qui consistent à savoir si cette paire de fesses tente désespérément de rentrer en contact avec moi ou si tout simplement je fantasme à ne rien voir.
Par chance, le visage de ce magnifique bubblegum ass s’exprime dans une langue que je comprends à la perfection. Elle en est encore à débattre du flow avec cet individu qui par malchance parle mieux sa langue que moi. Pas de compétition détendu des épaules, j’allonge le bras et m’accroche à la barre de ces ébats verbiaux tout en anglais. Je raccroche les wagons : le flow, la follow zo flow, est avant tout une question de laisser aller, mon double H et mes triple and quadriple M, me reviennent directement à l’esprit, mais je ne saute pas sur l’occasion, je passe de l’un à l’autre, la fille est jolie et lui aussi. Je tire une taffe, dehors par la fenêtre, l’ambiance est entre chien et loup. Dans la pièce recouverte de coco, un mec se ballade avec une boite cachou bourrée de fragments d’xtc, clic, clic. Il me frole, je frémis. La fille dit : “you know follow zo flow is a matter of work on yourself…” Halleloujah ! Je sursaute : “yeah that’s fucking right ! Arbeit macht frei !” Un blanc et des sourires clinquant de travers. Je leur expose ma théorie selon laquelle l’homme est voué à refléchir sur lui-même et à produire un travail pour construire une pensée, une philosophie, “a flowzophy” et par la même, s’offrir la liberté d’être son propre maître. Un savoir en propre, un moyen de se différencier pour exister en collectivité. Pour ne plus fatalement subir le destin, tout n’est qu’une histoire de force mentale, car comme on le dit peut, la facilité n’a jamais été chose compliquée. Prendre de la coke, baiser des putes ou des filles sans tête et avoir une belle voiture, c’est simple finalement. Il suffit de se laisser aller dans le sens que la société tente de nous imposer. Le main flow. Je les tiens, je crois que dès que l’on parle de coke,ça fait mouche. Je ne me perds pas dans mes pensées, danger principal de l’auto-satisfaction et continue. Flowzophe je propose : “freedom is a matter of humility and work on yourself, in the way of improving yourself to do the good around you. That’s the way to create your own luck, your own flow to follow…”.
Bon karma, nous nous sommes à présent tous assis, en cercle, face to face. Parce que si tu es perdu dans tes angoisses, parce que si tu es perdu dans ton orgeuil, si tu es parasité de toutes parts par des pensées anti-follow zo flow tu ne peux pas flow zopher. Si tu ne fais pas face à la réalité, tu subis le flow. Logique, implacaple. Pas tant que ça, les fesses toutes rondes me rétorquent, serrées, que tout ce que je raconte là est assez simple à dire, mais qui est capable de le faire, “I mean who ?”. Facile et habile, j’envois “the flow zo flowers”. Rire général. Monsieur Cachou, clic claque un bout à toutes les bouches qui à son passage s’ouvrent. L’amie désemparée file et nous décoche un “I’ll be back” quand claque la porte de sortie. Nous partons quelques 60 minutes plus tard.
Arrivée dans un loft impressionnant, un truc avec several room mates et une fête dedans. L’instant dure, je souris, le temps se distore. Flash back, pourquoi suis-je ici ? L’histoire remonte à deux années en arrière, une rencontre à Bâle, un double H en bonne forme. Six mois plus tard un autre double H, trois mois plus loin, une erreur de prod sur un return ticket to Paris. Entre temps une partie de jambe en l’air après un trajet en chien dans le mini coffre d’une smart. Tout ceci est connecté. Effet papillon, concours de circonstances, me revoilà dans la logique du fou qui en tournant en rond vire au genie. Je suis toujours dans la cuisine du loft. Rien n’a bougé. Je suis toujours en train de me servir cette vodka que je rêve déjà sur glace. La lumière. Tout est lié. La chance “my ass” n’a rien a voir dans cette histoire.
“My ass” fuse derrière moi. Je parle tout haut, waow. La fille est mystique du fond de l’oeil et nasty bourgeoise en surface. Elle me demande avec un accent indeterminable d’où me vient ce “my ass”. Scotché, je parle effectivement à voix haute quand je pense tout bas en moi. Une, deux les secondes défilent et je me laisse happer par son regard. Son énergie me chauffe les babines et les méninges et c’est bon signe. Je lui dis que je ne sais plus si je suis arrivé ici par chance ou par hasard et si effectivement dans l’idée que tout est lié, je suis ici pour une raison particulière. Elle me répond, calme, “tout va bien se passer…” Je respire. En effet je ne peux pas savoir si je suis ici pour quelque chose, si je commence à penser que je suis ici pour quelque chose, car cela risque de parasiter mon comportement et donc de me faire faire des choses qui vont perturber la logique du grand tout. Je respire et réintègre le flow.
Clic clic, revoilà monsieur Cachou. J’ouvre la bouche et termine ma vodka, je me jure de trouver des glaçons. Cette mission comme une vision dans la nuit toujours noire et obscure me pousse à refranchir le pas de la porte vers un store. Je me suis toujours dis que, se pousser à faire quelque chose favorisait le destin. Destiny is mine if I do my own things. Je me dis ça depuis mon premier trip sous xtc, il y a 13 ans et ça m’a presque toujours réussi. Arrivé au store, je crois reconnaître un ami, mais ce n’est que le mal du pays. Ouf, là j’aurai flippé.
De retour au loft, la vue de l’homme à la boite qui fait cliclac me remets dans l’ordre des choses. Je suis le chaos. Je flotte, je ne parle plus, je ne suis qu’une onde, me laissant porter au grès de la foule, du rythme de la musique. Tout n’est que chaos sympathique. Magical Musical Moment, triple M et Big bang ! Un vase se casse au sol. Retour au source du langage je lâche “qui de la poule ou de l’oeuf et pourquoi ?” Face à face avec une beauté éthiopienne, je ne sais quoi dire quand elle me supplie de traduire mes dires à l’instant jetés. Lucie ? Pirouette, d’une je passe à deux cellules et tout mon cerveau se concentre sur cette idée : cette gazelle est magnifique. “I was just asking to myself where are we from, in French !” parfaite mise en jambe pour savoir de quel bois elle se réchauffe la tête. Un, deux, trois, quatres secondes passent. Nos yeux s’échangent une tonne d’informations. “I just know why my ass is so soft and hard at the same time… I run every day and I use some scrub”. Alors là je tombe carrément par terre. Dans ma chute j’ai le temps de me dire que oui, ça d’accord, mais qu’est ce qui fait que ces fesses là sont ses fesses, qu’est ce qui fait qu’elle est là à me suivre des pupilles vers le parquet. Big Bang.
“Holyshit ! man!” crache l’homme aux Cachous. “You’re ok ?” Je lui répond que oui, que par chance j’ai fait du judo petit et que j’adore tomber, surtout quand on me troue le cul. Il rit et part clic claquer des pieds sur le dance floor. “I do understand you” je dis. Elle se met à m’embrasser. “Quelle chance!”. Langue à langue. Quelques instants passent et je ne sens rien. Rien. Elle ne me fait rien. Incroyable. Quelle chance ? Je continue à discuter avec elle. La fille désemparée du début de la soirée déboule sur moi. “Better not to have made a jump to my place ! I was close to explode on my way here !” Elle me regarde, moi et la beauté que je n’embrasserai plus. Elle parle très vite. Visiblement elle est perturbée mais tout aussi visiblement nos regards extatiques la détende assez vite. Ouf, elle en est à son deuxième verre de vodka sec et lâche “ok guys I’m gonna dance, I need to take back my flow, I need to lose myself into time and space… I need to re-find myself…”. Je conclue avec un Halleloujah ! de circonstance. Je la suis. Je danse.
Fluide, je suis en nage, et tel un dauphin je suis sensible aux ultrasons. Quadruple M. Je suis bien. Dans le flow des gens, des sons, des odeurs, des mains qui montent au ciel, je me dis que tout n’est que travail, laisser-aller et perseverance. Je suis maître de mon destin… Oui, il n’y a pas de hasard, il n’y pas de chance, il n’y a que des contextes et des circonstances. Acte manqué, la gazelle revient à la charge et subitement je me souviens que j’ai une petite amie. Mes yeux se ferment. Noir.
Xavier Faltot
Lacontroverse.eu