Shangaï pour Spray
Je m’assois, un bon verre de Graves à ma gauche, et les souvenirs bien enfoncés au fond du crâne… Mission : les faire remonter, ces souvenirs…Flashs : bâtiments modernes, espaces verts dans la brume, esseins de vélos, ruelles sombres à l’aspect moyenâgeux, architectures futuristes, avenues bordées de platanes, travaux à tous les coins de rues… Tout me revient… Fine pluie grasse, haut-parleurs des bus hurlants en chinois, vapeurs odorantes des cantines roulantes, chauffeurs de taxi aux gants blancs qui se raclent la gorge à m’en donner un haut le cœur …
Voilà pour la carte postale…
Shangaï est la ville de Chine la plus développée économiquement, à la plus forte densité de population. Ville schizophrène, imbibée de traditions chinoises et suintant une modernité à la saveur aigre-douce de l’Amérique.
Difficile d’en dresser un portrait… Si j’étais un guide touristique, je me permettrais la formule à 1000 euros : Shangaï, une cité aux « 1000 visages »… bref, passons…
Entrons dans le vif, visite éclair avec pour guide Erwan, 25 ans, dj français résident à Shangaï depuis 5 ans. Comment y vit-on, où en sont la culture et la liberté d’expression, est-ce une terre accueillante ?…
« Pour un français, habiter Shangaï semble plutôt facile, du moins à première vue, surtout avec un statut d’expatrié, invité par une boîte étrangère ou même locale. Arrivé en tant que freelance est bien sûr plus aléatoire mais ça se solde la grosse majorité du temps par un emploi à salaire honnête (2000 euros et +). Personnellement, je n’ai aucun problème pour trouver des plans dj, il y a beaucoup de soirées. Après 5 ans, j’ai joué dans environ 200 clubs en Asie (Vietnam, Taiwan, Thailande, Hong-Kong, Chine), dont plus de 35 villes en Chine, et à Shangaï, je travaille avec des gens de tous horizons, americains, européens, asiatiques, australiens… C’est le bon côté des choses… ».
Shangaï, ville mouvante et fertile où poussent autant les tours que les expatriés… la Chine, un nouveau far-west à conquérir…
Mais pour Erwan, dj aux orientations artistiques affirmées et pointues, les jolies choses et les opportunités de travailler prennent parfois un goût amer : « je suis souvent fatigué d’argumenter auprès des promoteurs de clubs pour pouvoir continuer à jouer un son de qualité. « commercial » est le mot d’ordre…. Il faut un son facile et que l’argent rentre.» Et les promoteurs, avec armada de publicité, n’hésitent pas à programmer un Paul Okenfoald ou un Sasha, soirées où les prix d’entrées peuvent alors atteindre des sommes exorbitantes : « 150 euros pour écouter dj Sasha, 5 000 tickets vendus, pour Laurent Garnier (18 euros l’entrée et pourtant pas un inconnu !) : seulement 980 entrées… Pas facile pour l’organisateur qui prend le risque »… Et heureusement, il en existe et comme Erwan, ils semblent un peu faire figure d’extra-terrestres dans un paysage musical électronique dominé par la transe et la progressive.
La culture et la Chine ne feraient-ils pas bon ménage ?… « Sincèrement, j’ai beaucoup de doutes quant a l’avenir culturel de la Chine. Le pays ne contient pas un seul magasin spécialisé en vynils, le ravitaillement des Djs est donc compliqué. Et pour le public, seules les grosses productions musicales arrivent jusqu’ici : Ricky Martin, Britney Spears et tutti quanti… Pour tout ce qui est indépendant, particulier et original, seules quelques personnes y ont accès, et ils sont étrangers le plus souvent. ».
CLUBS
Le DKD : D’après Erwan, « incontestablement le meilleur club de la ville en terme de musique et de faune. C’est l’unique endroit indépendant, non hong-kongais ou taiwanais. Chaque jour est invité un DJ différent, le design et l’architecture sont excellents ».
La Fabrique : cette enseigne parisienne (quartier Bastille, rue du Faubourg st Antoine) qui avait déjà vu le jour à Tokyo il y a 2 ans 1/2, débarque à Shangaï. Guillaume Roche, producteur de soirées pour la Fabrique et F-emotion à Shangaï nous explique les ambitions de ce nouveau lieu. La Fabrique sera donc une sorte de « centre culturel qui axe ses activités sur le fooding, le clubbing, les arts (peintures, graphisme…) et les bookings d’artistes internationaux. Le style musical y sera éclectique : house, techno, breaks, électro, funk, acid jazz, hip hop… ». Comme La Fabrique Tokyo insufle un vent d’électronique made in Europe (invitant Peaches ou Minimal Compact) dans la cité japonaise, espérons que La Fabrique Shangaï puisse permettre cette ouverture culturelle.
Le Park 97 (Gaolan Lu):
Joli club restaurant sur 2 étages. Belle salle ornée de fresques Arts déco, charmante terrasse donnant sur le parc Fuxing. Le cadre est craquant même si la programmation musicale n’est pas toujours des plus originales.
LES MARCHES :
Ils sont incontournables et la ville en regorge. Petite sélection.
-Le marché électronique ( Xiang Yang Lu et Fu Xing Lu). « un bordel monstrueux où les tondeuses côtoient les platines Technics MKII et les vinyles de Kraftwerk. Une mine d’or en matière d’électronique. Prix d’une platine Technics : 120 euros, quasi neuve… Tarif applicable pour la plupart des trouvailles ».
-Le marché aux puces ( Dongtai Lu et Liuhekou Lu)
Statuettes, pipes à opium, montres Mao, sceaux en caractères stylisés, portraits de Mao, affiches de propagande… Les chinois bradent leur histoire sur ces stands.
-le marche aux criquets (Xi Zhang Nan Lu) : étrange institution : criquets guerriers, criquets tueurs au cri qui tue. Mais aussi matériel pour rendre votre criquet compétitif (brosses a poils, baguettes pour le nourrir, mangeoires, serviettes de table taille criquet…).
JARDIN :
Fuxing Park (Gao Lan Lu et Sin Nan Lu ou Nan
Chang Lu et Yan Dand Lu pour les deux entrées les plus charmantes).
Le petit plus, tradition oblige : levez vous exceptionnellement tôt ou si vous sortez de club, faites un détour par ici. De 5h – 9h: impressionnant rassemblement du troisième âge, ambiance concentrée pour Tai Chi géant… Si le cœur vous en dit, vous pouvez y participer…
Et pour conclure, un petit tour du côté des médias…
« Toutes les télévisions sont gouvernementales, 100% communistes… Petite anecdote : à Shenzhen, ville chinoise très proche de Hong-Kong, on capte des chaînes indépendantes où les infos circulent librement… mais le gouvernement coupe en live les émissions et y insère d’autres programmes. Par exemple , des enfants chantants : “il n’y a pas de nouvelle Chine sans communisme… le rouge inondera le monde entier”… Des mots clés induisent ces blocus :Taïwan, liberté, manifestations, punks, etc, paf! ça coupe… Pour le net, aussi, il existe une liste de sites (19 000) que la Chine a bloqué, jugeant certainement que c’était compromettant ».
Rendez vous sur Google, tapez : « Websites blocked by China » ou allez directement sur http://cyber.law.harvard.edu/filtering/china/… pour plus d’info.
La répression en Chine : censures diverses, interdiction de manifester mais aussi peine de mort. + d’infos sur
http://www.web.amnesty.org/report2004/chn-summary-fra