Enfin Libres, Tunis 5 février 2011
Soirée « Under Couvre Feu »
SALLE CARTHAGE 1, HOTEL BARCELO, GAMMARTH
Hotel Barcelo – Route de Raoued – Zone touristique de Gammarth
C’est la première soirée d’envergure à Tunis depuis la révolution du 14 janvier 2011 et voilà le manifeste : Par solidarité et soutien aux citoyens qui ont été victimes des événements, et pour célébrer notre engagement collectif, nous avons décidé d’organiser une soirée électro durant le couvre feu du samedi 5 février. Une collecte de fonds sera lancée au cours de la soirée, qui sera reversée aux Hôpitaux de Tunisie et à celui de Sidi Bouzid en particulier. L’évènement aura lieu à la Salle Carthage I du Barcelo (Hotel-Gammarth) de 20h00 jusqu’à 4h00. Entre 22h00 et 04h00, il sera strictement interdit de sortir de l’hôtel. Ambiance.
Come to the world.
Nous sommes en direction de Gammath, un joint flotte dans la Ford. Je commence à vibrer harmonieusement. Stop, un bras nous engage vers une place où nous garer. L’hôtel est grand. Les clubbers sont nombreux. Il est minuit, cela fait 6 heures que je suis à Tunis. En fond la tour de l’hôtel, une grille automatisée, deux, trois videurs, une file de gens sur le mur à gauche, à droite une nuée de gens, un organisme en réflexion. Action. Une voiture façon « j’ai évidemment de l’argent » mets un coup de pression sur la grille. Silence. Puis très vite en cœur la foule « Dégage », « Dégage », « Dégage »! L’illusion tombe, le mec marche arrière. Unis donc Tunis.
Intelligence collective.
Le temps presse et débarquent les militaires. C’est l’État d’urgence, sous couvre feu, légalement ils ont le droit de nous abattre. Notre chance : le couvre feu est passé ce soir de 22h à Minuit. Nous avons rejoint le mur pour nous aligner. Stress. Gyrophares, en silence, deux camionnettes noires avec grilles noires, les hommes ont de gros guns, mais les visages sont cool. Ils se déploient. Discussions, présentation de la soirée. Une fille jaillit de la ligne et tend une fleur tout en sourire à l’homme en arme. Détente. Alignés au mur, on nous fait rentrer.
La rage qui fait pop.
Au delà du réel, il y a la magie de l’imaginaire ivre. Délesté de leur conscience sous contrôle, enfin les tunisiens peuvent triper. Il y a 1000 personnes, le beat est lourd, la salle est immense, 25 mètres sous plafond. Première partie coupée en deux par un demi-étage, dance floor central, bar à droite, chill out à gauche. Les greemlins dansent ivres. Riches, pauvres, gays, hétéros, jeunes, vieux se mélangent comme jamais ils ne l’avaient fait. Sur scène une tablée de dj, vj, analogique et numérique. Derrière eux sur d’immenses rideaux drapés blancs, des images en mouvement. « Ben Ali Dégage » , remix vidéos des événements, c’est subversif et donc inédit ici. C’est n’importe quoi. Cela va vite, c’est drôle. Les gens jaillissent. En cœur l’hymne national retentit techno rythmé. C’est un bain de catharsis, de digestion, de dépassement, de jubilation, de pancartes, de drapeaux. Je suis pris par l’histoire en transe.