MAN MAN CHI / Les Pères Populaires
Sortons des sentiers battus de l’épicentre gastroparisien, voulez-vous ?
Allons nous perdre dans les tréfonds du 20ème arrondissement, près de la place de la Nation. Pas 36 000 raisons d’aller explorer les alentours du métro Buzenval, j’en conviens. Désormais, il y en a une excellente : un grand bistrot d’angle sans enseigne, qui s’appelle pourtant les Pères Populaires.
Les Pères Populaires – Pères Pop pour les intimes, c’est LE bon spot de Nation, une espèce protégée de la famille des lieux de vie, où flotte un air guilleret et enthousiasmant. Ce petit quelque chose du ‘vrai’ Paris, cette clientèle melting pot de jeunes et de moins jeunes, d’ouvriers en pause déj, de profs en corvée de correction de copies, de méta-néo-hipsters du coin … Eclectique, populaire.
On vient pour la grande salle ambiance brocante, formica et canapé cosy, pour les sourires du service, pour le café à 1 euro, pour le wifi gratuit, pour l’apéro, pour le brunch du week end, pour la terrasse ensoleillée … pour tout ça, et, en l’occurrence, on vient surtout pour la cuisine de la jeune, très jolie et très très talentueuse chef Elsa Marie (servie uniquement au déjeuner en semaine, parce que sinon ça serait trop facile isn’t it ?).
Telle une héroïne des temps foodies modernes, Elsa a un challenge quotidien, celui de régaler les affamés avec une formule imbattable, un menu unique à 15 euros entrée plat dessert, dans lequel elle revisite les bons petits plats bistrotiers et ménagers avec sa très belle touche créative, pleine de mordant et de gourmandise, son expérience gastro et une sélection raisonnée de beaux produits.
Alors il se passe ces petites fulgurances, comme ce jour-ci au déjeuner, avec une burrata parfaitement crémeuse servie avec pesto, crumble de pistache et courgettes marinées passées à la mandoline. En plein dans le registre de la gourmandise moderne : fondant, croquant, gras, acide se donnent le change. Une assiette assaisonnée aussi bien en saveurs qu’en texture, qui pourrait presque être un dessert.
Blanquette de veau revue et corrigée avec touche de gingembre et de citronnelle, champignons de Paris (venus d’une vraie champignonnière), julienne de carotte délicatement dressée. A la moitié du plat, Raison et estomac me suggéraient un break, mais impossible de mettre un terme à ce plaisir devenu si rare de saucer goulûment son assiette.
Variations de contrastes encore pour le dessert : ananas émincé/mariné, mousse nuageuse à l’amande pile poil sucré, beaux morceaux de cake citron, citron vert microplané pour la touche d’acidité finale.
Un deuxième déjeuner transforme l’essai.
Velouté de carotte juste tiède, segments d’orange, petits pois : douceur, onctuosité, justesse du relief. Saucisse-lentilles transcendée, avec celle d’Emmanuel Chavassieux, ce fameux crumble pistache, sauce parmesan. Equilibre des portions, des assaisonnements, peps, fraîcheur dans la gourmandise. Meringue, mousse philadelphia, lemon curd, fraise : variation pavlovienne, délectation estivale.
Aux Pères Populaires, Elsa Marie nous a bluffés. Dans les frontières de cette formule low cost, elle ne se laisse pas tenter pas d’évidents raccourcis, elle manie efficacité et inventivité pour envoyer tous les jours cette cuisine à la fois nourricière, gourmande, fraîche et pleine de charme.
Alors, résumons : tu habites, tu travailles, tu batifoles près de la place de la Nation ? Banco, tu as trouvé ton repaire. Et si rien de tout ça ? Fais le déplacement, ça vaut le goût.
J’oubliais : Elsa Marie a aussi le bon goût d’avoir une plume divine à lire ici. Si elle n’était pas un amour, on la trouverait un poil agaçante 🙂
Les Pères Populaires – 46 rue de Buzenval 75020 – Formule entrée/plat 12 €, entrée/plat/dessert 15 € tous les jours au déjeuner – sans réservation
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