RadioMarais, la radio du turfu.
Un article dans les Inrocks pour parler de Radiomarais avec Damien. À lire sur leur site ICI.
C’est la radio qui monte. Fine fleur de la hype parisienne au micro, programmation excitante, diffusion sur le web, modèle économique novateur, focus sur le local : Xavier Faltot et Damien Raclot-Dauliac, les deux trentenaires fondateurs de RadioMarais, se sont donné les moyens pour “mettre Paris en voix”.
RadioMarais est une webradio certes, mais c’est avant tout une adresse physique : 60, rue Chapon. Dans le quartier du Marais donc, au cœur de Paris. Un ancien garde-meubles, transformé en galerie puis en petit studio par les fondateurs de la radio, Xavier Faltot et Damien Raclot-Dauliac. “Un lieu toujours ouvert, assurent-ils. N’importe qui peut venir, c’est comme un petit café de quartier. Et si le camion-poubelle passe dans la rue et qu’on l’entend à l’antenne, tant mieux. On veut entendre la vie, on veut entendre Paris.”
Les deux complices se sont rencontrés il y a une quinzaine d’années sur Radio FG. Ils sont ambitieux. Leur radio ? “C’est une startup, pas une MJC punk.” Ils ont le sens de la formule et manient une novlangue de businessmen intello-branchés : Damien enchaîne les punchlines de pubard tandis que Xavier cite Deleuze et Stiegler. L’un comme l’autre ont longtemps louvoyé entre le journalisme, la musique et la com’, ils ont écumé les nuits parisiennes pendant des années : ils ont un gros carnet d’adresses.
“Un réseau de 15 ans”, dit Xavier. Pour animer les vingt-sept programmes de leur grille, ils sont allés chercher des personnalités, des figures de la vie – et surtout de la nuit – parisienne. Des DJ, des artistes, des patrons de boîte comme Marco Dos Santos, Don Camilo, Lola et Solange, Kiki Picasso, ou encore Antoine Kraft. Xavier, qui a notamment travaillé pour Tracks et Paris Première (“c’était le Mister Hype de l’époque”, glisse Damien), les connaît tous très bien. RadioMarais, concentré de hype ? “Non, corrige Damien, nous, on fait du pype.” Ah ! Il explique : “C’est un mélange entre populaire et hype, pas excluant. On veut être la vitrine du vrai Paris.”
Culture club
RadioMarais, lancée en janvier 2013, se veut à la croisée des trois lieux “de l’avant-garde”, selon Xavier Faltot : la culture street, la culture web et la culture club. La radio diffuse des programmes 24/24, sept jours sur sept. La musique occupe une place importante : la nuit et environ la moitié de la journée y sont consacrées. Damien se charge de la programmation :
“Beaucoup d’electro et de hip-hop, mais pas que. J’ai une playlist de 13 000 morceaux, avec des sonores de films, des chansons à texte des années trente-quarante, du jazz, des poèmes de Bukowski… Mon ambition c’est de faire voyager les gens à travers l’histoire de la musique, de les guider à travers des genres différents.”
Il décoche : “Je travaille sur l’inconscient collectif, je mélange les genres pour agiter les gens.” Parmi les autres programmes quotidiens, une matinale – La Garçonnière – animée par deux jeunes femmes, Ginger et Manon.
“RadioMarais, c’est aussi un incubateur, explique Xavier. On veut ouvrir des portes, donner des chances, créer des vocations en offrant une vraie liberté de parole à de jeunes journalistes et à de nouveaux animateurs.”
Il y a de tout sur RadioMarais : des hommes, des femmes, des travs, des enfants, des vieux. Tous les jours, Xavier Faltot anime lui-même Baise en ville, à 17 h. Un troisième rendez-vous quotidien, à 20 h, est présenté par différents animateurs, dont Patrice Blanc-Francard, routard de la radio et ancien patron du Mouv’. Il présente Father & Son, tous les mardis, avec son fils, et s’en réjouit : “RadioMarais me rappelle l’esprit qui régnait au début des radios libres, avec des petits moyens mais une grande liberté et une vraie énergie. C’est un aimable bordel, il y a une vibe, comme disent mes enfants.”
Un modèle économique novateur
En dehors des animateurs, bénévoles, l’équipe est réduite. Cinq personnes travaillent à plein-temps au 60, rue Chapon : Xavier et Damien, accompagnés d’un réalisateur, d’une chargée de web et d’une attachée de presse. Le modèle économique de la webradio ne repose pas sur la pub classique (présente uniquement sur le site web). Les marques achètent directement des plages d’antenne. Elles peuvent sponsoriser le programme de leur choix ou mieux, en construire un de toutes pièces, de manière récurrente ou événementielle, en collaboration avec les fondateurs de la radio.
“On vend du contenu intelligent. Il y a une curiosité pour ce nouveau modèle économique, un vrai marché est en train d’émerger. On se sent un peu précurseurs”, s’enthousiasme Damien. Xavier renchérit : “On ne cache pas notre association avec les marques, mais on le fait de manière intelligente. On choisit avec qui et comment on veut s’associer. On est sélectifs, comme un physio à l’entrée d’un club.” Trop sélectifs ? Ils sont en tout cas à la recherche de nouveaux partenaires.
“Pour l’instant, on travaille à perte”, confesse Xavier. Il n’hésite pas à balancer les tarifs, dans une volonté de transparence (et en dépit des raclements de gorge de l’attachée de presse) : 2 000 euros pour une émission one-shot en studio, 3 500 en extérieur, forfaits à négocier selon les options pour un programme récurrent.
Pré-hype
Toutes les émissions de RadioMarais sont bien entendu réécoutables en podcast. La radio revendique 15 000 auditeurs uniques par mois et plus de 1 000 podcasts quotidiens. Les fondateurs assurent que RadioMarais n’est pas écoutée que par des Parisiens. Damien dégaine la formule : “On fait de l’hyperlocal à vocation hyperglobale.” La moitié des auditeurs habiteraient ainsi en province ou à l’étranger. Ecouter Radiomarais, c’est donc l’occasion d’entendre vibrer Paris, même loin de la capitale.
Comme le dit Patrice Blanc-Francard : “La radio est un média magique, qui doit parler à l’imaginaire.” Et pour l’avenir, les deux fondateurs de RadioMarais sont optimistes : “En fait on est en pré-hype, explique Xavier. Pour l’instant la mer se retire, bientôt ce sera le tsunami.”