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La Commune de Paris

La Commune de Paris est une période insurrectionnelle de l’histoire de Paris qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 à la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871. Cette insurrection contre le gouvernement, issu de l’Assemblée nationale qui venait d’être élue au suffrage universel masculin, ébaucha pour la ville une organisation proche de l’autogestion ou d’un système communiste.

La Commune est à la fois une réaction à la défaite française de la guerre franco-prussienne de 1870 et au siège de Paris, et une manifestation de l’opposition entre le Paris républicain, considéré comme « rouge », et une Assemblée nationale à majorité monarchiste.

La Commune de Paris (1871) | 2000 ans d’histoire | France Inter.

À l’origine de l’insurrection

À Paris, la mixité sociale dans les quartiers, de règle depuis le Moyen Âge, a presque disparu avec les transformations urbanistiques du Second Empire. Les quartiers de l’ouest (7e, 8e, 16e et 17e arrondissements) concentrent les plus riches des Parisiens avec leur domesticité. Les quartiers centraux conservent encore des personnes aisées. Mais les classes populaires se sont installées à l’est (10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements). Les ouvriers sont très nombreux : 442 000 sur 1,8 million d’habitants, selon le recensement de 1866, ainsi que les artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Ces classes populaires ont commencé à s’organiser.

Deux éléments ont pu favoriser l’insurrection du peuple. Tout d’abord, le droit de grève, accordé en 1864, a été très utilisé dans les dernières années du Second Empire. À l’occasion des élections législatives de février 1864, des ouvriers publient le manifeste des Soixante, qui réclame la liberté du travail, l’accès au crédit et la solidarité. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière qui a des représentants à Paris (en 1868, le gouvernement impérial dissout sa section française dont les membres ont participé à des manifestations républicaines). Ensuite, la loi sur la liberté de la presse de 1868 permet l’émergence publique de revendications économiques anti-capitalistes : le programme de Benoît Malon et Eugène Varlin pour les élections législatives de 1869 prône la « nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer… Les blanquistes, inspirés par les idées d’Auguste Blanqui et partisans de l’insurrection, se manifestent de plus en plus, ce qui inquiète l’opinion et les élus républicains.

Les classes populaires parisiennes (ou tout du moins une partie d’entre elles) craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » révolution de septembre 1870 (renversement du Second Empire). Déjà, après les journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 comme après celles de février 1848, suivies des élections d’avril 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit [réf. nécessaire] en installant la Monarchie de Juillet et la Deuxième République, qui débouchera sur le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l’assemblée élue en février, où les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes. Comme l’écrit Jean-Jacques Chevallier, « la Commune était l’expression, chez ses meneurs, d’un républicanisme ultra rouge, antireligieux, jacobin, prolétarien, fouetté par la haine pour cette assemblée monarchiste »5.

Certains historiens voient encore d’autres facteurs dans son déclenchement, notamment Jacques Rougerie qui souligne le rôle de la révolution haussmannienne et interprète la Commune comme « une tentative de réappropriation populaire de l’espace urbain »7.

Jules Ferry, quant à lui, déclara devant la commission d’enquête sur les causes de l’insurrection, qu’il en voyait trois : premièrement, ce qu’il appelle « la folie du siège », née de l’inactivité, du bouleversement des habitudes civiles, d’une tension des esprits tournés vers la guerre, et enfin de « l’immense déception » d’une « population tout entière qui tombe du sommet des illusions ». La deuxième se trouve dans la désorganisation de la garde nationale, source de graves désordres. Pour terminer, la ferme volonté des Prussiens d’entrer dans Paris finit par convaincre une grande partie de la population qu’elle était trahie8.

Qui sont les insurgés ?

Costumes militaires de la Commune d’après nature par A. Raffet.

Les archives de la répression qui frappa l’insurrection permettent de brosser le portrait social des communards. L’insurgé-type de 1871 est un travailleur parisien, un homme d’une trentaine d’années. Parmi ces insurgés, on rencontre principalement les ouvriers du bâtiment, les journaliers, et les travailleurs du métal, ouvriers d’ateliers ou de petites fabriques. Ils forment respectivement 17 %, 16 % et 10 % du total. Viennent ensuite les employés (8 %), les cordonniers-savetiers (5 %), les marchands de vin (4 %) et les ouvriers du livre (3 %), fortement politisés9. Ainsi, de petits patrons côtoient des salariés : aux yeux des marxistes, il n’y a pas eu de lutte des classes au sens « moderne » du terme. « Des femmes, elles aussi, prennent part à la lutte et s’organisent au sein de comités et de clubs ».

L’écrivain Maxime du Camp, témoin hostile de la Commune, fait, en 1881, une description sévère des insurgés : « Malgré certaines apparences et malgré leur uniforme, les bataillons fédérés n’étaient point une armée ; c’était une multitude indisciplinée, raisonneuse, que l’alcoolisme ravageait. Dans toutes les luttes qu’ils engagèrent, même à forces triples, contre l’armée de Versailles, ils furent battus. Lors du combat suprême commencé le 21 mai et terminé le 28, malgré les positions formidables qu’ils occupaient, malgré les abris qui les protégeaient, malgré les refuges que leur offraient les rues, les ruelles, les maisons à double issue, malgré leur énorme artillerie, malgré leur nombre, ils furent vaincus par nos soldats marchant à découvert. Plus d’une cause leur a infligé une infériorité qui devait nécessairement amener leur défaite : au point de vue technique, ils ne savaient pas obéir, et l’on ne savait pas les commander ; au point de vue moral, la plupart ne savaient pas pourquoi ils se battaient ; presque tous trouvaient le métier fort dur et ne le faisaient qu’en rechignant »10.


Le film La Commune de Paris de Peter Watkins


Le déclenchement

Adolphe Thiers avait commandé la construction des fortifications qui entouraient Paris alors qu’il était ministre de Louis-Philippe. Il avait conçu cette enceinte pour défendre la ville contre des ennemis. Mais elles pouvaient aussi servir à isoler la ville du reste du pays, en cas de révolte populaire, permettant au gouvernement, aux autorités et aux troupes de se replier à Versailles et de laisser le contrôle de la ville aux insurgés. Il suffisait ensuite d’assiéger puis de reconquérir la ville avec des troupes fidèles venues du reste du pays. Durant la Révolution de 1848, Thiers avait vainement proposé ce plan au roi Louis-Philippe pour briser la révolution parisienne.

Le 17 mars 1871, Adolphe Thiers et son gouvernement, évaluant mal l’état d’esprit des Parisiens, envoient au cours de la nuit la troupe sous le commandement du général Lecomte s’emparer des canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre. Alors que la population et les gardes nationaux se rassemblent, Lecomte ordonne de faire feu, mais ses soldats refusent d’obtempérer. Le général est capturé par les insurgés et tué le lendemain, comme le général Clément-Thomas, malgré la demande de protection du maire du 18e arrondissement, Georges Clemenceau. Ce même jour, Thiers organise l’arrestation d’Auguste Blanqui11 qui se reposait chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). De là, il le fait transférer en Bretagne, sous surveillance militaire, avec ordre de tirer en cas d’évasion.

Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens, ceux-ci se sentent directement menacés. Il s’agit de leur soustraire les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent comme leur propriété ces canons qu’ils ont eux-mêmes payés par souscription lors de la guerre contre la Prusse. Ils se voient sans défense vis-à-vis d’éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Cependant ils disposent de près de 500 000 fusils. De son côté, le gouvernement craint la présence de cette artillerie en cas d’émeute ouvrière, et justifie le retrait des canons par l’application des conventions prises avec le vainqueur dont le désarmement de la capitale fait partie. Les Prussiens sont en effet toujours présents autour de la ville.


L’expérience de la Commune

Mise en place

Soulèvement du 18 mars

Article détaillé : Soulèvement du 18 mars 1871.

À Montmartre, Belleville, Ménilmontant, l’armée réussit sans difficulté à reprendre les canons. Cependant il faut les transporter et les chevaux manquent. Une note du 16 mars 1871 du 3e bureau au ministre de la Guerre a pressé la réaffectation des 1 800 chevaux disponibles. Ce 18 mars, donc, l’armée attend les chevaux. On tente même de descendre les canons à bras d’homme. À Montmartre, au matin, le peuple parisien s’éveille et s’oppose à la troupe venue chercher les canons. Puis, rapidement, celle-ci fraternise avec lui. Un peu partout dans Paris, la population s’en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et fraternise avec la troupe. Deux généraux, Lecomte, déjà cité, et Clément-Thomas, qui avait participé à la répression du soulèvement de juin 1848, sont massacrés par la foule rue des Rosiers12 malgré les ordres contraires du Comité de vigilance de Montmartre13 et l’intervention du maire du 18e arrondissement, Clemenceau. C’est le début de l’insurrection. Apprenant les événements, Victor Hugo écrit dans son journal : « Thiers, en voulant reprendre les canons de Belleville, a été fin là où il fallait être profond. Il a jeté l’étincelle sur la poudrière. Thiers, c’est l’étourderie préméditée »14.

Thiers gagne Versailles. Des Parisiens (100 000 selon Thiers[réf. nécessaire]), habitant surtout des quartiers aisés de l’Ouest parisien ou fonctionnaires, l’y suivent. La Commune ne représentait à peu près que la moitié de la population parisienne15.

Élection du Conseil de la Commune

Le 25 mars, un jour avant les élections, le Comité central de la Garde nationale lance auprès des Parisiens un appel à la vigilance et à la réflexion avant d’élire leurs représentants. Les élections sont organisées le 26 mars pour désigner les 92 membres du Conseil de la Commune. Compte tenu des départs de Parisiens, avant et après le siège de Paris par les Prussiens, et de ceux qui suivent Thiers à Versailles, le taux d’abstention est de 52 %. L’élection d’une vingtaine de candidats « modérés », représentant les classes aisées[réf. souhaitée], montre que le scrutin ne fut au moins pas totalement biaisé. Les arrondissements de l’Est et du Nord (18e, 19e, 20e, 10e, 11e), le 12e et le 13e dans le Sud ont voté massivement pour les candidats fédérés. Les 1er, 2e, 3e, 9e et 16e ont quant à eux voté massivement pour les candidats présentés par les maires du parti de l’Ordre (environ 40 000 voix) et les abstentions y ont été très importantes. En réalité, 70 élus seulement siègeront, du fait de la démission rapide de modérés, de l’impossibilité d’être à Paris pour certains (par exemple Blanqui) et des doubles élections. Le Conseil est représentatif des classes populaires et issues de la petite bourgeoisie parisienne : 33 artisans et petits commerçants (cordonniers, relieurs, typographes, chapeliers, teinturier, menuisier, bronzier), 24 professions libérales ou intellectuelles (12 journalistes, 3 avocats, 3 médecins, 2 peintres, 1 pharmacien, 1 architecte, 1 ingénieur, 1 vétérinaire), et 6 ouvriers (métallurgistes).

Toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées, jusqu’aux anarchistes. Parmi la vingtaine de « jacobins », admirateurs de la Révolution de 1789 et plutôt centralisateurs, on trouve Charles Delescluze, Félix Pyat, Charles Ferdinand Gambon ou Paschal Grousset. À peine plus nombreux sont les « radicaux », partisans de l’autonomie municipale et d’une république démocratique et sociale, tels Arthur Arnould, Charles Amouroux, Victor Clément et Jules Bergeret. On compte une dizaine de « blanquistes », adeptes de l’insurrection et avant-gardistes, comme l’avocat Eugène Protot, le journaliste Édouard Moreau de Beauvière, Jean-Baptiste Chardon, Émile Eudes, Théophile Ferré, Raoul Rigault ou Gabriel Ranvier. Des collectivistes, membres de l’Association internationale des travailleurs, sont élus, dont Léo Fränkel, Benoît Malon et Eugène Varlin. Quelques « proudhoniens », partisans de réformes sociales, siègent, comme Pierre Denis. Enfin, des « indépendants » ont été élus, tels Jules Vallès et Gustave Courbet. Vingt des soixante élus du Conseil de la Commune sont des francs-maçons16.

Rapidement, le Conseil de la Commune se divise en « majorité » et « minorité » :

  • les majoritaires sont les jacobins, les blanquistes et les indépendants ; pour eux, le politique l’emporte sur le social ; se voulant les continuateurs de l’action des « montagnards » de 1793, ils ne sont pas hostiles aux mesures centralisatrices, voire autoritaires ; ils voteront cependant toutes les mesures sociales de la Commune ;
  • les minoritaires sont les radicaux et les « internationalistes », collectivistes ou proudhoniens ; ils s’attachent à promouvoir des mesures sociales et anti-autoritaires ; ils sont les partisans de la République sociale.

Ces tendances se cristallisent le 28 avril à propos de la création d’un Comité de Salut public, organisme que les minoritaires refusent comme contraire à l’aspiration démocratique et autonomiste de la Commune. Les majoritaires en imposent la création le 1er mai par 45 voix contre 2317. La minorité au conseil de la Commune publie un Manifeste le 15 mai. Toutefois, ces luttes d’influence restent incomprises d’une grande partie des Parisiens et les deux tendances feront combat commun dès l’entrée des troupes versaillaises dans Paris.

Vie politique

À côté des personnalités élues, les classes populaires de Paris manifestent une extraordinaire effervescence politique. Les élections à répétition, le 26 mars pour le Conseil de la Commune et le 16 avril pour des élections complémentaires, maintiennent la tension politique. Les cérémonies officielles permettent aussi les rassemblements : l’installation du Conseil de la Commune à l’hôtel de ville le 28 mars, les obsèques du socialiste Pierre Leroux à la mi-avril, la destruction de l’hôtel particulier de Thiers, la démolition de la colonne Vendôme le 16 mai.

Surtout, la population peut se retrouver dans de nombreux lieux pour y discuter de la situation, proposer des solutions, voire faire pression sur les élus ou aider l’administration communale. Réunis dans les lieux les plus divers, ils permettent à des orateurs réguliers ou occasionnels de faire entendre les aspirations de la population et de débattre de la mise sur pied d’un nouvel ordre social favorable aux classes populaires (comme au Club de la Révolution, animé par Louise Michel). Si ces clubs sont nombreux dans les quartiers centraux (1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e arrondissements), les quartiers aisés de l’ouest parisien (7e, 8e et 16e) n’en comptent aucun. Les clubs se fédèrent le 7 mai afin d’avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune. Article détaillé : Journaux de la Commune de Paris (1871).

S’ajoutant aux titres déjà existants, plus de soixante-dix journaux sont créés pendant les soixante-douze jours de la Commune. Mais la liberté de la presse est restreinte dès le 18 avril et, le 18 mai, le Comité de Salut public interdit les publications favorables au gouvernement Thiers. Parmi les journaux les plus influents figurent Le Cri du peuple de Jules Vallès, Le Mot d’ordre d’Henri Rochefort, L’Affranchi de Paschal Grousset, Le Père Duchêne d’Eugène Vermersch, La Sociale avec la féministe André Léo et Le Vengeur de Félix Pyat.

Dans La Guerre civile en France, Karl Marx juge que la Commune fut l’une des expériences les plus démocratiques depuis l’aube de la société de classes : « Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait “représenter” et fouler aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes […] Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail1. »


Organisation

Le 29 mars 1871, la Commune se dote pour gouverner d’une Commission exécutive, à la tête de 9 commissions.

Commissions Membres initiaux18 Délégués initiaux18 Réaffectations19,20
Commission de la Guerre Charles Delescluze, Gustave Tridon, Augustin Avrial, Georges Arnold, Gabriel Ranvier Cluseret Louis Rossel (01/05/1871), Alfred-Édouard Billioray (08/05/1871), Charles Delescluze (10/05/1871)
Commission des Finances Charles Beslay, Alfred-Édouard Billioray, Victor Clément, Gustave Lefrançais, Félix Pyat François Jourde  
Commission de la Sûreté générale Frédéric Cournet, Auguste Vermorel, Théophile Ferré, Alexis Louis Trinquet, Clovis Dupont Raoul Rigault  
Commission de l’Enseignement Gustave Courbet, Augustin Verdure, Jules Miot, Jules Vallès, Jean Baptiste Clément Édouard Vaillant  
Commission des Subsistances Eugène Varlin, François-Louis Parisel, Victor Clément, Arthur Arnould, Henry Louis Champy Auguste Viard  
Commission de la Justice Charles Ferdinand Gambon, Louis-Simon Dereure, Adolphe Clémence, Camille Langevin, Jacques Louis Durand Eugène Protot  
Commission du Travail et de l’Échange Albert Theisz, Benoît Malon, Auguste Serraillier, Charles Longuet, Louis-Denis Chalain Léo Fränkel  
Commission des Relations extérieures Léo Melliet, Charles Gérardin, Charles Amouroux, Jules-Paul Johannard, Jules Vallès Paschal Grousset Louis Rossel (10 mai 1871)
Commission des Services publics François-Charles Ostyn, Pierre Vésinier, Paul Philémon Rastoul, Antoine ?, Armand Antoine Jules Arnaud, Eugène Pottier Jules Andrieu  

Démocratie et citoyenneté

L’appel du 22 mars24 du Comité central de la Garde nationale énonce que « les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables » et que leur mandat est impératif. Il s’agit d’une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, renouant avec l’esprit de la constitution de 1793 qui fait du droit à l’insurrection « le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs » (article XXXV de la Déclaration des droits de l’Homme de 1793).

La Commune de Paris ouvre la citoyenneté aux étrangers : « Considérant que le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent… »25.

Travail et démocratie sociale

Le Conseil de la Commune, issu d’un mouvement populaire, se préoccupe d’améliorer la condition des prolétaires. La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : « l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes » (mot d’ordre de l’Association internationale des travailleurs dès 1864).

Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) ; il prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire. Deux ateliers fonctionnent ainsi pour la fabrication d’armes ; la journée de travail y est de 10 heures et l’encadrement est élu par les salariés. Le 20 avril, les bureaux de placement de la main d’œuvre, entreprises privées très florissantes sous l’Empire, monopoles agissant bien souvent comme des « négriers », sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux. Le même jour, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et l’affichage de la sanction dans les boutiques. Pour contrer une pratique très répandue, la Commune interdit les amendes patronales et retenues sur salaires, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées (28 avril). Pour lutter contre le sous-salariat dans les appels d’offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum est créé.

La Commune annonce les prémices de l’autogestion[réf. nécessaire]. Dans les entreprises, un conseil de direction est élu tous les 15 jours par l’atelier et un ouvrier est chargé de transmettre les réclamations.

Femmes défendant la barricade de la place Blanche (lithographie).

Vers l’émancipation des femmes

Articles connexes : Place des femmes en politique en France et Féminisme en France.

Pendant la Commune, sous l’impulsion d’Élisabeth Dmitrieff, jeune militante russe de l’Internationale, et de Nathalie Lemel, ouvrière relieuse, se crée l’un des premiers mouvements féminins de masse, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. L’Union réclame le droit au travail et l’égalité des salaires (un commencement d’application est mis en place pour les institutrices), elle participe au recensement des ateliers abandonnés par leurs patrons (les francs fileurs) réfugiés à Versailles et organise des ateliers autogérés. La Commune reconnaît l’union libre (elle verse une pension aux veuves de fédérés mariées ou non, ainsi qu’à leurs enfants légitimes ou naturels)26,27, interdit la prostitution et met en place un début d’égalité salariale. Elle manque de temps pour instaurer le droit de vote des femmes28. Des femmes mettent en application le décret de séparation des Églises et de l’État dans les écoles et les hôpitaux, se battent, comme Louise Michel et d’autres, sous l’habit des « fédérés » et défendent Paris contre les « Versaillais » sur les barricades (elles sont une centaine, place Blanche, avec Nathalie Lemel). Sur le chemin de l’émancipation des femmes, la Commune a marqué une étape importante26,27.

Presse

La liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité central de la Garde nationale et les journaux anti-communards continuent donc de paraître à Paris. Ils se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d’ordre politiques de Thiers. Aussi, dès le 5 avril, le Journal des Débats et La Liberté, jugés pro-versaillais, sont interdits. Le 12, Le Moniteur universel connaît le même sort. La presse pro-versaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale rappelle que la « déclaration préalable » reste en vigueur. Dès le 18 avril, la Commune menace d’interdiction les journaux « favorables aux intérêts de l’armée ennemie » qui continuent tout de même de paraître. C’est surtout en mai que la lutte contre la presse pro-versaillaise prend de la vigueur : le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux dont Le Vengeur et le 18 mai, 9 autres. Néanmoins, les publications interdites peuvent reparaître quelques jours plus tard du fait de la totale liberté laissée pour la fondation d’un journal. De son côté, la presse parisienne procommunarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers[réf. nécessaire].

Fonctionnaires

La Commune doit faire face à l’absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou restent chez eux comme ce dernier le leur ordonne. Il s’agit aussi de changer l’état d’esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l’élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l’enseignement), l’instauration d’un traitement maximum (2 avril) de 6 000 francs annuels (l’équivalent du salaire d’un ouvrier[réf. nécessaire]) et l’interdiction du cumul (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel.

Трубка коммунара / La pipe du communard (1929) фильм

Justice

La plupart des professionnels de la justice ou du droit ayant disparu (il n’y a plus que deux notaires en activité dans Paris), il faut pourvoir à tous les postes. Il y a beaucoup de projets, mais faute de temps, peu sont mis en application. Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit ; le mariage libre par consentement mutuel est instauré (avec un âge minimum de 16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) ; la gratuité des actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) est décidée. Pour tempérer l’activité répressive de Rigault à la Sûreté générale, une sorte d’habeas corpus est mise en place par Eugène Protot : les cas des suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté doivent recevoir une instruction immédiate (8 avril) ; les perquisitions et réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d’inscrire le motif de l’arrestation sur les registres d’écrou (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril).

Enseignement

Dans l’enseignement, le personnel de l’administration centrale s’est réfugié à Versailles, les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés et les écoles privées congréganistes, nombreuses, car favorisées par la loi Falloux de 1850, ont été vidées de leurs élèves29 depuis le décret du 2 avril « séparant l’Église de l’État ». Édouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l’uniformisation de la formation primaire et professionnelle. Deux écoles professionnelles, une de garçons et une de filles, sont ouvertes. L’enseignement est laïcisé : l’enseignement confessionnel est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l’instruction des filles. Quelques municipalités d’arrondissement, celle du 20e en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l’enseignement primaire, rendent l’école gratuite et laïque. Le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aides-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre hommes et femmes.

Cultes

Art. 1er. L’Église est séparée de l’État ;
Art. 2. Le budget des cultes est supprimé ;
Art. 3. Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles ou immeubles, sont déclarés propriétés nationales ;
Art. 4. Une enquête sera faite immédiatement sur ces biens, pour en constater la nature et les mettre à la disposition de la nation.

Journal Officiel du 2 avril 1871. Voir Les Classiques des Sciences Sociales, Le Journal Officiel de la Commune de Paris

Dans le domaine des cultes, la Commune rompt avec le concordat de 1802 qui faisait du catholicisme « la religion de la majorité des Français » et des membres du clergé des fonctionnaires. À la fin de l’Empire, les classes populaires parisiennes sont assez hostiles au catholicisme, trop lié au régime impérial et aux conservateurs (liens notamment incarnés en la personne de l’impératrice Eugénie). L’anticléricalisme a été revigoré par la propagande blanquiste, d’un athéisme militant, et par l’attitude du pape Pie IX face à l’unification de l’Italie. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l’Église (catholique) et de l’État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses.

Le même jour, l’archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames-Blanches et d’Arcueil sont inquiétés ou arrêtés sous divers motifs. Les églises Saint-Laurent et Notre-Dame-des-Victoires sont perquisitionnées. Les propositions d’échange de l’archevêque contre Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement d’Adolphe Thiers, sont repoussées par celui-ci le 12 avril, puis le 14 mai. Le prélat est fusillé par les communards, avec quatre autres ecclésiastiques, en réplique à l’avance des troupes versaillaises. D’autres exécutions de religieux vont avoir lieu et portent le nombre total à plus d’une vingtaine30.

Arts

En avril 1871, Eugène Pottier lit devant une assemblée d’artistes et d’artisans parisien le manifeste de la Fédération des artistes de Paris, qui se conclut par la phrase : « Le comité concourra à notre régénération, à l’inauguration du luxe communal et aux splendeurs de l’avenir, et à la République universelle »31.

D’après l’universitaire Kristin Ross, « par “luxe communal”, les artistes et les artisans de la Commune semblaient penser à une sorte de “beauté publique” : l’amélioration des espaces partagés dans toutes les villes et tous les villages, le droit pour chacun de vivre et de travailler dans un environnement agréable. En créant un art public, un art vécu, au niveau de municipalités autonomes, le luxe communal œuvrait contre la conception même de l’espace monumental et sa logique centralisatrice (nationaliste)31. »


Répression : La Semaine sanglante.

Article détaillé : Semaine sanglante.

L’arrestation de Louise Michel le 24 mai 1871, par Jules Girardet.

La Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. Elle avait duré 72 jours.

La répression contre les communards est impitoyable : tous les témoins mentionnent les nombreuses exécutions sommaires commises par les troupes versaillaises, frappant — par exemple — ceux dont les mains portent ou semblent porter des traces de poudre révélant l’emploi récent d’armes à feu37. Les trois principaux charniers à l’intérieur de Paris étaient au Luxembourg (3 charniers), à la caserne Lobau et au cimetière du Père-Lachaise. En 1876, le journaliste et polémiste socialiste Prosper-Olivier Lissagaray, ancien communard, estime de 17 000 à 20 000 le nombre des fusillés38. En 1880, le journaliste et homme politique Camille Pelletan, membre du Parti radical-socialiste situe le nombre des victimes à 30 00039. L’historien britannique Robert Tombs évoque entre 6 000 et 7 500 morts, dont environ 1 400 fusillés40,41. Les Versaillais déplorent 877 tués, 6 454 blessés et 183 disparus dans les combats livrés du 3 avril au 28 mai42.

Cette répression a toutefois l’appui des grands élus républicains de l’Assemblée nationale, qui pour préserver la République, encore fragile, donnent leur accord à Thiers, craignant la surenchère des communards. Tel est notamment le cas de Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Grévy qui évoque « un gouvernement factieux », Jules Favre « une poignée de scélérats ». Les députés parisiens condamnent en majorité les communards. L’historien François Furet note que le socialisme français pâtit « de l’exil du mouvement ouvrier », et écrit que « ces morts, ont une nouvelle fois et plus profondément encore qu’en juin 1848, creusé le fossé qui sépare la gauche ouvrière et le républicanisme bourgeois ». Pour Le Figaro : « Jamais, pareille occasion ne s’est offerte pour guérir Paris de la gangrène morale qui le ronge depuis vingt ans1. »

Dans le même temps, les communards fusillent 47 otages. La plupart sont des religieux. Le plus célèbre d’entre eux, l’archevêque de Paris Georges Darboy, est arrêté le 4 avril 1871 avec quatre autres clercs en application du « décret des otages ». Enfermé à la prison Mazas, il est exécuté à la Roquette, à la suite de l’attaque versaillaise, le 24 mai. À cette exécution s’ajoutent celles des dominicains d’Arcueil et des jésuites de la rue Haxo. Pendant toute la semaine du 21 au 28 mai, celle de l’offensive contre la Commune, la Bourse de Paris reste fermée43 alors qu’elle était jusque-là restée ouverte. L’historien britannique Robert Tombs avance que les représailles « ne furent pas autorisées par les derniers membres de la Commune. Les quatre principaux incidents (il y eut aussi des exécutions sporadiques de personnes soupçonnées d’être des espions ou des traîtres) eurent lieu soit à l’initiative d’un petit nombre d’individus, en particulier des blanquistes, soit furent la conséquence d’une rage spontanée de fédérés du rang et de passants dans une situation confuse et traumatique »44.

Les tribunaux prononcent 10 137 condamnations dont 93 à mort, 251 aux travaux forcés, 4 586 à la déportation (en particulier en Nouvelle-Calédonie), les autres à des peines de prison variables. Vingt-trois condamnés à mort seront effectivement exécutés. Les lois d’amnistie interviennent en 1880. Longtemps encore après les événements, la gauche reste hostile au général Gaston de Galliffet, surnommé pour son zèle répressif « le boucher de la Commune ». Bien qu’il fût légitimiste, Albert de Mun s’élève contre la violence de la répression.

L’historien Alistair Horne note que la répression eut un impact terrible sur la classe ouvrière parisienne : « l’aspect de Paris changea de façon curieuse pendant quelques années. La moitié des peintres en bâtiment, la moitié des plombiers, des couvreurs, des cordonniers et des zingueurs avaient disparu1. »

La majorité des dirigeants de la Commune échappèrent à la mort au combat, aux exécutions sommaires et à la répression judiciaire. Par exemple, sur neuf membres du Comité de Salut public, un, Delescluze, est tué sur une barricade, un autre, Billioray, fut fait prisonnier, les autres parvinrent à fuir Paris et à s’exiler à l’étranger. L’amnistie de 1880 leur permit de rentrer en France.

Le 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale vote la réhabilitation de toutes les victimes de la répression versaillaise45.


Destructions

Les nombreuses destructions dans Paris sont imputables à la fois à l’âpreté des combats et, principalement les 23 et 24 mai, aux incendies déclenchés par des commandos communards, visant des bâtiments symboliques de l’État. La colonne de la place Vendôme, étant surmontée par la statue de Napoléon, est abattue et démolie dès le 16 mai.

Les destructions et incendies d’immeubles civils (rues Royale, de Lille, de Rivoli, boulevard Voltaire, place de la Bastille, etc.), sont liés aux combats de rue, aux tirs d’artillerie, autant fédérés que versaillais. Certains incendies d’immeubles auraient aussi été provoqués pour des raisons tactiques, pour contrer l’avancée versaillaise46.

De grands édifices sont victimes d’incendies :

Le ministère des Finances50 est également détruit par un incendie le 22 mai, selon un ordre donné à un certain Lucas par un document ministériel signé de Théophile Ferré47, dont il contestera être l’auteur. Des sources de l’époque proches des communards avancent que l’incendie fut déclenché par des obus de l’artillerie de l’armée régulière, qui aurait visé la barricade fédérée à l’angle de la rue Saint-Florentin51 : « Bon nombre d’obus, en éclatant, avait mis le feu de divers côtés : c’est ainsi, quoiqu’on en ait dit que le ministère des Finances, incendié de cette façon, brûlait lentement derrière nous, depuis le lundi de grand matin »52.

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L’hôtel de ville est incendié le 24 mai 1871 par deux inconnus munis d’un arrosoir de pétrole, quelques heures après son abandon par les communards qui n’avaient pourtant pas donné un tel ordreNote 1. L’un d’eux est habillé en zouave, selon le témoignage de Monsieur Bonvalet, ancien maire du 3e arrondissement, qui fut l’un des derniers à quitter les lieux47. La bibliothèque de l’hôtel de ville et la totalité des archives de Paris furent ainsi anéanties, ainsi que tout l’état civil parisien (un exemplaire existait au palais de justice, l’autre à l’hôtel de ville ; ils furent tous deux la proie des flammes). Seul un tiers des huit millions d’actes détruits a pu être reconstitué. Article connexe : Registres paroissiaux et d’état civil à Paris.

Une grande partie des archives de la police fut également détruite dans l’incendie du palais de justice. Certains bureaux de la Préfecture de police étaient alors intégrés aux bâtiments du palais ; la Conciergerie est également touchée48. Les archives comptables disparaissent également dans l’incendie du palais d’Orsay49.

D’autres richesses culturelles connurent le même sort, à l’exemple rue de Lille, de la maison de Prosper Mérimée, qui brûla avec tous ses livres, souvenirs, correspondances et manuscrits et de celle du sculpteur Jacques-Édouard Gatteaux avec la plus grande partie de ses collections, ou celle de Jules Michelet, rue d’Assas. Le musée de la manufacture des Gobelins est touché par l’incendie avec environ 80 tapisseries, dont la moitié antérieure au XIXe siècle53, tout comme l’église Saint-Eustache, l’église de Reuilly[Quoi ?], la caserne de Reuilly, les Magasins-Réunis place de la République, le Grenier d’abondance sur le bassin de l’Arsenal incendié par un certain Ulric47Interprétation abusive ?, le théâtre du Châtelet, celui de la Porte-Saint-Martin, incendié par un certain Brunel47Interprétation abusive ?, le théâtre du Bataclan et celui des Délassements-Comiques ; tandis que le Théâtre lyrique est fortement touché.

La chronologie de ces destructions suit très précisément la reconquête de Paris par les troupes versaillaises : le 22 mai, le ministère des Finances ; dans la nuit du 23 au 24, les Tuileries, le palais d’Orsay et l’hôtel de Salm ; le 24, le Palais-Royal, le Louvre, l’hôtel de ville et le palais de justice ; le 25, les greniers d’abondance ; le 26, les docks de la Villette et la colonne de la Bastille ; le 27, Belleville et le Père-Lachaise48.

L’incendie de l’Hôtel-Dieu et de Notre-Dame, envisagé, semble avoir été évité. Le gouvernement publie a posteriori une liste de plus de deux cents édifices touchés par les flammes48. Les Archives nationales furent sauvées par l’initiative du communard Louis-Guillaume Debock, lieutenant de la Garde nationale parisienne et directeur de l’Imprimerie nationale sous la Commune, qui s’opposa in extremis à l’incendie ordonné par d’autres communards.

Le palais du Louvre et ses collections échappèrent le 24 mai à la destruction grâce à l’action de Martian de Bernardy de Sigoyer, commandant le 26e bataillon de chasseurs à pied (appartenant aux forces versaillaises), qui fit intervenir ses soldats pour empêcher que le feu ne se propage du palais des Tuileries au musée, comme en témoigne une plaque apposée dans le pavillon Denon. Il trouve la mort en poursuivant les combats à la tête de son bataillon. Son corps est retrouvé percé de balles le 26 mai au matin, entre le boulevard Beaumarchais et la rue Jean-Beausire54.

Prolongements des événements de la commune de 1871 en France

La première Commune est celle de Lyon, où la nouvelle République est proclamée en avance sur Paris, le 4 septembre au matin. Elle dure jusqu’en janvier de l’année suivanteL 1, avant de reprendre de mars à avrilL 2. Elle est suivie par celle de Marseille, mise en place le 31 octobre 1870 et présidée par Adolphe Joseph Carcassonne55, avant que le pouvoir ne soit repris par le préfet Alphonse GentL 3.

Après la proclamation de la Commune de Paris le 18 mars 1871, les Communes de provinces se développent plus rapidement, mais sont de courte durée : à Marseille, une seconde a lieu du 23 mars au 4 avril sous le commandement de Gaston CrémieuxL 1,55, à Saint-Étienne, l’insurrection ne dure que quelques jours du 24 au 28 marsL 1, à Narbonne56 du 24 au 31, proclamée par Émile Digeon, à Toulouse du 24 au 27, à Perpignan le 25, au Creusot le 26 par Jean-Baptiste DumayL 1, puis à Grenoble le 16 avril, à Bordeaux les 16 et 17 et à Nîmes le 1857. D’autres soulèvements ont lieu à Limoges58, Périgueux, Cuers, Foix, Rouen ou au Havre57.

Ces mouvements furent précurseurs des idées révolutionnaires qui amenèrent le monde du travail à s’organiser pour défendre ses intérêts et à créer la CGT en 1895.[réf. souhaitée]

Construction de la basilique du Sacré-Cœur sur la colline de Montmartre

À l’emplacement du point de départ du soulèvement parisien, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre est construite, en application d’une loi du 24 juillet 1873, pour « expier les crimes des fédérés »59,60,61. Sa construction débuta en 1875.

Le choix d’ériger la basilique sur la colline de Montmartre était hautement symbolique pour la droite victorieuse, c’est là que débuta l’insurrection le 18 mars lorsque les troupes d’Adolphe Thiers vinrent enlever à Paris les canons qui y étaient entreposés. Les Parisiens considéraient comme leur propriété ces canons qu’ils avaient eux-mêmes payés par souscription lors de la guerre contre la Prusse. Après la cérémonie de pose de la première pierre, Hubert Rohault de Fleury fit explicitement le lien : « Oui, c’est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément Thomas et Lecomte, que s’élèvera l’église du Sacré-Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Église semblait surtout animer ».

On ne trouve pas de mention de cette motivation dans le texte de loi voté par l’Assemblée Nationale, mais déjà à l’époque elle était dénoncée par l’opposition de gauche.

Par ailleurs de nombreuses villes françaises ont donné le nom d’Adolphe Thiers à une voie publique, voyant en lui le fondateur de la Troisième République plutôt que le répresseur de la Commune.

Place dans l’histoire

La Commune a souvent depuis été revendiquée comme modèle — mais avec des points de vue différents — par la gauche marxiste, l’extrême gauche et les anarchistes ; elle a inspiré de nombreux mouvements, qui y ont cherché des leçons leur permettant d’entreprendre d’autres révolutions : la Révolution russe et les conseils (soviets), la Révolution espagnole et les collectivités, etc.

Karl Marx, critique sur la compétence des dirigeants de la Commune62, conclut cependant La Guerre civile en France par les mots : « Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle. Le souvenir de ses martyrs est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière ».

Pour l’historien François Furet, « Aucun événement de notre histoire moderne, et peut-être de notre histoire tout court, n’a été l’objet d’un pareil surinvestissement d’intérêt, par rapport à sa brièveté. Il dure quelques mois, de mars à mai 1871, et ne pèse pas lourd sur les événements qui vont suivre, puisqu’il se solde par la défaite et la répression. […] Le souvenir de la Commune a eu la chance de se trouver transfiguré par un grand événement postérieur : la Révolution russe de 1917 l’a intégré à sa généalogie, par l’intermédiaire du livre que Marx avait consacré à l’événement dès 1871. »63[…] Pourtant, la Commune doit beaucoup plus aux circonstances de l’hiver 1871 et au terreau politique français qu’au socialisme marxiste, auquel elle ne tient par rien64. Pour les historiens François Broche et Sylvain Pivot, « La Commune, dépourvue d’idées neuves, de valeurs fondatrices et de dirigeants d’envergure, ne fut jamais en mesure de précipiter l’enfantement d’un monde nouveau »65.

L’essayiste Alain Gouttman écrit dans La Grande Défaite (2015) : « Devant l’histoire, les communards se sont montrés le plus souvent médiocres, à quelque poste qu’ils se soient trouvés entre le 18 mars et le 26 mai 1871. Ils n’en incarnent pas moins, dans la mémoire collective, une grande cause, la plus grande de toutes peut-être : celle d’une société jaillie du plus profond d’eux-mêmes, où la justice, l’égalité, la liberté n’auraient plus été des mots vides de sens. Une utopie ? En tout cas, une grande espérance qui les dépassait de beaucoup, et dont ils furent à la fois acteurs et martyrs ».

Depuis 1882, une association, fondée au départ comme une société d’entraide des communards de retour d’exil, puis devenue l’association des amis de la Commune de Paris, défend ce qu’elle considère comme les valeurs et l’œuvre de la Commune66.

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WikipédiaWikipédia
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