LES COURSIERS DE LA HYPE. Portrait dans le magazine Technikart.
Article paru dans la magazine Technikart N°50 signé par Jacques Braunstein.
Mars 2001.
CE SONT LES CHEVILLES OUVRIÈRES DU BUZZ, LES SOUTIERS DES TENDANCES. ENQUÊTE DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA RÉDACTION.
ILS PASSENT de rédactions en labels de disques, de soirées en vernis-sages… Avec toujours une blague pas drôle — mais furieusement tendance —à raconter, une rumeur à colporter, une indiscrétion à faire partager. Ils transmettent le buzz d’un média à l’autre, font les go-between entre les gens qui affichent de ne pas se parler, rencardent les attachés de presse sur leurs propres artistes et les artistes sur leurs producteurs… Ce sont les coursiers de la hype, les colporteurs du buzz, les VRP de la branchitude. Sans eux, toute une industrie s’écroule car elle perd ses yeux et ses oreilles. On en compte une centaine à Paris, vite remplacés s’ils perdent la main ou l’envie. Ces jeunes opérateurs culturels et nocturnes écrivent une chronique ici, représentent un petit label, font DJ — remplaçant de dernière minute — dans les soirées, ont leur séquence sur une obscure chaîne du Net… Ariel Wizman est leur gourou inaccessible, Yann C (ancien pigiste de Nova et d’un paquet d’autres titres, « artiste » exposé à Beaubourg et désormais rédacteur en chef du magazine Perso), leur modèle concret…
«JE SUIS JOURNALISTE POÉTIQUE»
Premier client des infos qu’ils diffusent, ils arpentent le pavé pour tenir au courant des trentenaires un peu amortis (travaillant au chaud dans les maisons de disques, les galeries d’art, les labels…) des derniers soubresauts du buzz. Soyons-leur reconnaissants car ils se dépensent sans compter. Prenons Xavier Faltot, notre collaborateur, un de ces coursiers de la hype les plus efficaces de ces deux dernières années. Il est partout, débarquant à Boulogne à 11h00 du matin pour mettre la dernière main à un sujet pour Culture pub, faisant la fermeture du Batofar, passant de Technikart à Nouvo.com, de Paris Première à Wad, d’une inauguration de boutique à une soirée de label. Il parle à tout le monde, virevolte, sort une vanne, part ailleurs, va voir une expo, s’éclipse pour passer par un dîner. A 22-ans, ce garçon aux curieux sourcils méphistophéliens, a choisi l’humour comme marque de fabrique : « On ne peut rien dire aux gens, donc pour faire pas-
ser une idée, il faut les faire rire, attaquer de biais. Chaque personne que je rencontre me permet de faire évoluer mes idées. C’est comme les facettes d’un miroir. Je cherche à avoir une sorte de recul instantané. » Pour Xavier Faltot, la « hype est un phénomène communautaire, plus connecté à l’horizontal que branché avec un truc au-dessus. Y être, c’est vivre par procuration avec pleins de gens qui brillent. A l’âge que j’ai, c’est pas la peine de pousser les choses. Tout est une question de mode de pénétration. Quand on me demande ce que je fais dans la vie je réponds : “Je fais des blagues” ou “Je suis journaliste poétique.” »
«EVITER LES MAINS MOITES»
Cet ancien de Fun Tv et de Radio FG, affirme avoir contracté le virus de la com’ et le goût des bandes en colonie de vacances. Fils de psy —comme Emmanuel Chain ou Carlos — il délaisse le confort d’une maison « blindée de bouquins » à Metz pour monter à la capitale. Il se fait connaître en « dansant dans les fêtes » (sic). « La hype, c’est vachement un truc de provinciaux, avoue-t-il. » Son nouveau truc : « Les Cônnass’, bande informelle, marque de streetwear en devenir… C’est avant tout un faux-business, les jeunes de demain qui ont le vent en poupe et qui disent aux autres “On vous emmerde” en diffusant un buzz sans rime ni raison. » Quand on lui demande de réfléchir sur ce qu’il fait, il espère que ça a quelque chose de warholien. Comme le maître, il tire chaque jour le Pola-roïd des beautiful people du moment. La prochaine fois qu’on vous dira du bien d’un jeune label, d’un nouveau créateur, qu’on vous narrera une anec-dote amusante sur une semi-célébrité parisienne, sachez que l’info aura certainement transitée par Xavier Faltot ou un de ses collègues coursiers du buzz. Il roule pour vous, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et bientôt le samedi sur FG pour l’émission Air G… Pour l’instant, à ses yeux, c’est avant tout une blague : « Dans la hype, si on se fait la bise, c’est pour éviter le problème des mains moites. »