Le rythme du sens. V1
Arrivée au château, sourire, belle énergie, tout est brun, vert et Dorian Gray. Un lutin barbu nous guide vers nos pénates. Derrière les douves, dans l’antre fortifié, les préparatifs vont bon train. Bûches à bûches, la température tombe avec la nuit. Pleine lune. À l’intérieur, sur la grande table, la sorcière hul’hurle, hiboux tournoyant, elle interprète les règles du domaine tout en strip tease. Seins, bras, jambes et pubis fourni en prime. Nous sommes une soixantaine d’urbains assis ou debout, souriants, chauffés à blanc, c’est la rentrée de l’université libre des orfèvres de la teuf! Caché dans l’immense cheminée qui fume plus que je fume, mes yeux sont ronds, curieux, excités. Elle conclue: « Ici c’est consentement avant tout… soyez les plus beaux êtres humains que vous puissiez être », de la tête j’acquiesce. À ma droite, une fille « black et déter’ » me propose une ligne de « végétaline », elle lance: « c’est de la racine de guimauve, des huiles essentielles et de la menthe, je suis en sevrage ! ». Je tente, vixifie et me lève stimulé.
La demeure est interdite aux boissons, à la fumée, et aux chaussures. Respect. Pied nu je renâcle, et sur un tapis presque volant, découvre le graal « dance floor ». Au premier étage une seule pièce: « L’utero room »! Chaleureuse, articulée autour d’un immense coussin rond. Cheminée, platines version Eyes Wide Shut. Gémissements, croûte humaine moite et doucement mobile. Ici, les tensions sexuelles laissent libre court à leur libération. et le temps file sans pression à froid. Cure de jouissance, partout en ces lieux, les rires fusent, les yeux pénètrent et pavlovienne, la bave aussi. Novices, maîtres et amateurs se mélangeoient, paillardisent. C’est ancestral, amoral, éthique, féministe, végétarien, durable.
Je danse enfin ! Sexpos, homos, bis, hétéros, nous sommes détendus, doux, ouverts, libres, mélangés. Tétons, fesses. Sur le beat, je pulpe comme à 20 ans: hétéro-décentré, lesbienne à nouveau. Whoa crie Betty et Jack hits the road ! C’est la meilleure boom de tous les temps, j’ai maintenant 16 ans. Let me be me !
C’est l’heure de l’atelier « impact ». À moitié nu en public in utero, un homme mystérieux qui ressemble à Indiana Jones me donne des coups de fouet. Il apprend à mon âme sœur à « me récompenser ». Je verbalise électrique au sortir de l’étuve. Je suis choqué. En moi, tout est inversé, repensé. Ici, ça rave et ça se découvre sans peur, sans jugement, sans force, sans harcèlement, sans machiavélisme, sans obligations. Ecartelées par tant de singularité et de désirs assumés, mes barrières mentales se fissurent, mon conditionnement vacille, je sue, judéo-chrétien-crétin encore mais pas pour l’éternité.
Jour 2, il est 15h30 et dans le parc, en chemin vers la plus profonde acceptation de moi-même, la chamane tambourine. Infini toujours et encore, yeux fermés, kangourou, je sautille, tourbillonne, hyper-ventile. Sorti d’un conte chinois, un cheval prend soudain possession de mon corps. Je hennis et tombe. J’inspire et place la Terre sur le haut de mon crâne. Colonne d’énergie, j’expire et deviens arbre. Tout bascule et je m’enfonce dans le sol, je racine, dramatique. Au calme, vivant un instant sous-terrain, emphatique, je comprends: « je suis né raveur, j’infinirais raveur. Je nécessite à jamais et pour toujours ces zones humides d’autonomies temporaires, ce chaos sympathique, cette vie. La vraie. » TAZ, ZAD, boom boom. Homme adulte complexe, cosmique, psychédélique, sensible, vraiment en vie, responsable et père fort, je tombe avec fracas comme vide. Enfin, goutte d’essence, ému, je vague à l’âme et repars mettre le feu à la piste de danse jusqu’au matin. Halleloujah!
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